Écritures photographiques #2

13 mars - 12 avril 2025

Michèle Binhas et Delphine Bost-Parson

Depuis plusieurs décennies, la photographie a mis en avant le travail d’auteur. Du photographe, on attend qu’il ait un style et qu’il développe des projets personnels, avec une vision du sujet et une forme de style. Artiste visuel certes, mais lié à une réflexion et une expérimentation sur la manière de traiter un sujet. Deux écritures qui correspondent à des pratiques différentes pour dessiner un présent de la photographie.

Deux écritures, deux approches de la photographie !

Michèle Binhas  —  Images mentales

Ancrée dans la représentation du réel mais manipulée par un sujet qui éprouve, pense et rêve, la photographie est un outil privilégié pour représenter ses états mentaux et donner une forme à sa vie intérieure. Déjà, au XIXème siècle, à l’époque où naissait la photographie spirite, le commandant Darget prétendait photographier la pensée, exploitant les volutes et les nuées formées par la chimie sur le tirage pour y lire des images plus ou moins figuratives. Désir de voir et interprétation s’unissaient pour distinguer visage, oiseau ou paysage lunaire.

Michèle Binhas confie à l’appareil photographique le soin d’exprimer des ressentis et des histoires intimes. Poursuivant une forme de monologue intérieur, le regard qui se pose sur le monde y cherche des reflets de soi-même, une projection de ses états d’âmes. Végétaux oppressés par un air saturé d’humidité, vagues marines se fracassant sur les rochers, visages affleurants au milieu des éléments naturels, l’image métaphorise ce qu’elle photographie. Jusqu’à ce qu’elle porte un sentiment, une émotion ou un moment du passé qui remonte au présent. Un visible flottant.

Michèle Binhas est passée de la médecine à la photographie à la suite d’un photo-reportage sur les naissances par césarienne qu’elle réalise pendant la période du COVID. Passionnée par cette nouvelle activité, elle décide d’interrompre définitivement la médecine en 2022. Ses récentes formations ainsi que son intérêt très ancien pour la peinture abstraite et figurative l’orientent plutôt vers la photographie pictorialiste. A partir de prises de vues multiples, Michèle Binhas crée des mondes imaginaires afin de retranscrire des émotions, des sensations ou des réminiscences.

michelebinhas.com


Delphine Bost-Parson  —  Meilleurs amis

Plonger dans l’univers des concours canins, c’est découvrir un monde coloré et un poil kitsch où maître et chien revêtent leurs plus beaux atours pour remporter la coupe ou la rosette. Mais c’est aussi s’interroger sur la relation singulière que peut entretenir l’homme avec son meilleur ami.

Sur le devant de la scène : le chien.

Il s’agit de présenter le plus beau spécimen, le plus typique, celui qui correspond parfaitement aux critères de la race édictés dans le LOF (Livre des origines français). Si l’animal décroche un prix, il apportera gloire à son maître et prestige à son élevage.

Ainsi la relation maître-chien évolue et repousse plus loin encore les limites de la domestication.

Entraîné dans cette course aux champions, l’animal s’efface peu à peu, métamorphosé en accessoire, adjuvant d’une passion dévorante. À trop vouloir l’inscrire dans une typologie, celui-ci devient un idéal à poursuivre, et la nature – peignée, apprêtée, domptée – un concept abstrait.

Pourtant, si la volonté de gagner est implacable, rien n’entame l’affection entre ces deux espèces. L’animal semble prendre son parti de cette attention disproportionnée, complice indéfectible d’un (en)jeu qui le dépasse.

Née en 1982, Delphine Bost-Parson grandit dans le sud de la France. Après des études d’art, elle passe une décennie à Londres, où elle se consacre à la musique. Vivant aujourd’hui à Paris, elle exprime sa créativité à travers la photographie. Explorant les sujets atypiques et décalés, son travail documentaire met en lumière la singulière énergie des passions dévorantes.

instagram.com/delphineparson